Le Cas Richard Jewell Etats-Unis 2019 – 131min.

Critique du film

Richard Jewell, souffre-douleur médiatique

Sven Papaux
Critique du film: Sven Papaux

Richard Jewell est passé du héros au zéro, en un claquement de doigts. À travers la lentille de Clint Eastwood, l’illustre cinéaste continue son travail sur ces héros américains. Après American Sniper, Sully, 15h17 pour Paris, place au cas Richard Jewell.

Atlanta, les Jeux olympiques de 1996. Alors que Richard Jewell vient d’essuyer un renvoi d’une université, il se retrouve comme agent de sécurité pour la manifestation. Au Centennial Park, lieu central des festivités et des concerts. Eric Rudolph, un terroriste d’extrême droite, a déposé une bombe dans ce même parc et s’est fendu d’un appel aux autorités - la bombe a fait 2 morts et près de 100 blessés. Jewell, intrigué par le colis, est le premier à lancer l’alerte et entame une course contre-la-montre pour sécuriser le périmètre. Un temps héros de la nation, la suite est beaucoup moins joyeuse: il est le suspect numéro 1 du FBI et également épinglé par la presse. Un vrai cauchemar débute pour l’agent de sécurité bedonnant.

Clint Eastwood a réveillé quelques démons en transformant cette histoire en film. Les premiers à se plaindre vertement du traitement infligé par le légendaire cinéaste est le journal The Atlanta Journal-Constitution, particulièrement froissé par le portrait peu clément réservé à Kathy Scruggs - jouée par Olivia Wilde. La première journaliste à avoir eu l’info grâce à des sources du FBI. Nous la retrouvons en train de fricoter avec l’agent Tom Shaw - un personnage purement fictif incarné par Jon Hamm - pour obtenir des infos cruciales, provoquant l’ire du quotidien: une image choquante et fausse de sa rédactrice décédée en 2001, déplore le journal.

La véracité des faits est importante, certes, mais le fil rouge de ce scénario pondu par Billy Ray, adapté du livre de Kent Alexander et Kevin Salwen, ajouté à l’article de Marie Brenner «American Nightmare: The Ballad of Richard Jewell», trouve son écho à travers la violence des médias et du gouvernement. Citoyen exemplaire exposé à la brutalité d’un monde sans merci, voilà ce que Eastwood dénonce. Jewell dépeint comme un sociopathe, frustré, ayant délibérément posé la bombe pour jouer les héros, qui plus est vivant encore avec sa mère, le métrage suit un gouvernement accusant sans preuves accablantes, un compatriote, une bonne âme.

Le côté le plus fascinant est cette solitude et ce sentiment de vide quand tout le monde s’acharne sur cet homme, coupable sans preuve. Mais le film se démarque surtout par des performances: Paul Hauser étonnant d’intériorité, désarmant quand il se laisse submerger par l’émotion. Hauser sort une performance XXL, qu’on peut sincèrement qualifier de sensationnelle. Kathy Bates, dans le rôle de la mère, réussit une interprétation de grande qualité, tout comme Jon Hamm, incarnant à merveille la mauvaise foi du FBI. Eastwood est un directeur d’acteur virtuose, un cinéaste à la mise en scène soignée, maîtrisée, comme un sujet de ce genre en a besoin. La foule rugissante, les autorités scrutant le moindre faux-pas d’un pauvre bougre embarqué dans la grande lessiveuse gouvernementale. Sous cet angle, Richard Jewell est le film souhaité.

En bref!

Écrasé par le FBI, presque étripé par des médias avides de scoop et de discours fracassants, Richard Jewell traite de manière maîtrisée le calvaire de Jewell, tant publiquement qu’intimement. Sans caresser le chef-d'œuvre, Eastwood fait le job avec sérieux.

17.03.2020

4

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Commentaires

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CineFiliK

il y a 4 ans

“La bombe humaine”

Alors qu’Atlanta accueille et célèbre les Jeux olympiques en juillet 1996, l’appliqué Richard Jewell, engagé dans la sécurité, repère un sac abandonné lors d’un concert au parc du Centenaire. Alertant sans attendre les démineurs, ceux-ci y découvrent une bombe artisanale prête à exploser. L’attentat fera un mort et une centaine de blessés. D’abord adulé pour sa sagacité, l’homme sera vite suspecté par le FBI d’être le terroriste.

Il n’a l’air de pas grand-chose ce personnage humble et rondouillard qui a appris depuis toujours à obéir à l’ordre établi. Risée d’une majorité trop sûre d’elle, ce procédurier obsessionnel fait preuve néanmoins d’un sens de l’observation incisif. Dans le rôle-titre, le peu connu Paul Walter Hauser se révèle et impressionne par sa gamme émotionnelle quand le piège kafkaïen se referme sur lui.

Rappelant le procès de Sully, Clint Eastwood profite de cette histoire vraie pour dépeindre une société toujours aussi encline à faire de ses héros d’un jour, un ennemi d’État le lendemain. Son approche griffe au passage les autorités sous pression, complices des vautours médiatiques qui se sustentent de tout écorché vif. Il ne laisse pratiquement aucune chance à sa trop caricaturale journaliste – la vorace Kathy Scruggs – plus prompte à user de ses tétons que de son stylo pour obtenir un scoop. La larme étonnante qu’elle écrase lors du discours maternel ne parvient pas à rattraper le personnage.

Malgré quelques facilités propres au cinéma américain, on se laisse sans peine embarquer et convaincre par le cas Richard Jewell.

7/10Voir plus

Dernière modification il y a 4 ans


Eric2017

il y a 4 ans

Encore une fois merci à Clint Eastwood de nous dévoiler cette histoire et de nous révéler qu'au pays de l'oncle Sam tout n'est pas "rose". Cette manipulation des faits, cette volonté de ne pas chercher la vérité dans le seul but d'avoir très vite un coupable est absolument scandaleuse. Pour moi c'est du grand cinéma que celui de Clint Eastwood. J'ajoute encore que l'interprétation de manière globale y est excellente. (G-21.02.20)Voir plus

Dernière modification il y a 4 ans


vincenzobino

il y a 4 ans

Accusé malgré lui
Juillet 1996, Atlanta: les Jeux Olympiques d’été battent leur plein. Richard Jewell, un agent de sécurité sur la place de fête olympique, découvre un colis suspect et en éloignant les personnes aux alentours, leur sauvent la vie car une bombe explose. Sa mère Babi également présente est fière de son acte mais le FBI et une certaine presse dont Kathy est la représentante pensent avoir trouvé leur coupable idéal. D’où le coup de main nécessaire de Watson Bryant, un avocat étant le seul connu de Richard.
Le voici donc ce retour sur l’une des, si ce n’est la, pire erreur d’appréciation commise envers un héros. Eastwood pouvait en sortir une pique sauvage sur certaines catégories de personnes manquant d’humanité. Mission accomplie.
Nous suivons durant les 25 premières minutes palpitantes, comment Richard s’est retrouvé au mauvais endroit au bon moment (oui!) en ce jour de juillet peu après le record du monde athlétique pulvérisé par la locomotive de Waco. Et le train accusateur, Eastwood nous le sert en plein visage : non pas, comme si souvent fait, par un ton mega dramatique, mais bien par une féroce satire sur le mal-être d’une certaine presse d’une part, et sur des méthodes d’interrogatoire plus que douteuses et reflétant une certaine incompétence.
Et ce qui pourrait être interprété comme une faiblesse en ne consacrant qu’un bref passage sur le véritable auteur de l’explosion ainsi qu’une prise de conscience journalistique étrange est finalement relégué au second plan face au poids d’une telle invraisemblance supporté par l’accusé d’une part, mais surtout par ses proches, ici sa mère incarnée par une fantastique Kathy Bates.
Et en pensant au destin final de ce héros, on éprouve une honte absolue qu’une telle aberration ait pu se produire. Merci Clint pour cette analyse terre-à-terre terroriste d’une certaine élite.
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